Un arrêté bouleverse l’achat des billets de transport
Un arrêté oblige les services de transport à afficher leurs prix dès le début du processus de réservation.
La Direction de la concurrence (DGCCRF) a annoncé la publication d’un arrêté renforçant l’information des consommateurs dans le secteur des transports de passagers.
(publié dans Les Echos le 14 avril 2017 par Clément Peltier avec l’AFP)
SUR LA BONNE VOIE
Dès le mois de juillet 2017, un arrêté obligera donc les opérateurs de transport à afficher leurs prix dès le début du processus de réservation.
En voilà une idée qui est bonne : finis les frais de dossiers qui apparaissent en dernière étape avec une louche supplémentaire de 25€. Finies les cartes bleues improbables que personne ne possède, comme les cartes Entropay ou Electron, qui voient leurs possesseurs majorés de 30€ en fin de processus de réservation.
Des commissions ici, des frais là, des taxes par ici, des suppléments par là. Ouf ! C’est fini. Je ne veux dénoncer personne mais ces pratiques commerciales douteuses étaient surtout l’apanage de low cost et des agences de voyage en ligne. Comme ces dernières ne font pas de Revenue Management (elles ne sont propriétaires ni des prix, ni des stocks, qu’elles reçoivent des compagnies aériennes), certaines agences avaient en effet recours à ce type de pratique pour apparaître favorablement sur les moteurs de recherche (tout comme les low cost d’ailleurs). Une mauvaise façon d’essayer de faire un semblant de Yield. Lamentable.
BEAUCOUP RESTE A FAIRE
Mais d’autres pratiques restent à bannir. 2 exemples :
- le procédé essentiellement utilisé par les agences en ligne que l’on appelle « IP tracking », consistant à augmenter le prix après plusieurs connexions alors même que le prix de la compagnie aérienne ou de l’hôtelier reste inchangé,
- les faux messages créant l’urgence dans des sites de réservation, que l’on retrouve dans l’hôtellerie notamment, du type « dépêchez-vous, 6 personnes sont en train de réserver le même hôtel que vous ! » ou bien « il ne reste plus que 2 chambres à ce tarif ! » écrit en rouge et en gras. Alors qu’après plusieurs connexions étalées sur une semaine, il n’en est rien. Et les 2 chambres restent désespérément disponibles. D’ailleurs, ils n’ont peut-être jamais eu que ce quota de deux chambres à vendre…
OÙ EST LA LIMITE ?
Mon propos n’est pas de m’ériger en police du tourisme et de vouloir tout interdire. On pourrait d’ailleurs me rétorquer que le Revenue Management est une arnaque, qu’il faudrait l’interdire lui-aussi, ou au moins en interdire certaines pratiques comme le surbooking par exemple. Nous avons eu l’occasion de nous exprimer à plusieurs reprises sur le sujet, notamment pour montrer que le surbooking est à la fois une nécessité économique pour les compagnies aériennes, une contre-partie nécessaire à la flexibilité de certains billets, et qu’il est à l’avantage du client bien plus souvent qu’il n’est en sa défaveur (intervention de Pascal Niffoi sur BFM Business).
L’autorité publique régule depuis longtemps l’activité du transport aérien : convention de Varsovie (1929), convention de Montréal (1999), directive européenne sur le surbooking (2004), DGCCRF (dont les compétences ont été récemment étendues, lui conférant un pouvoir d’injonction et de sanctions administratives, loi n°2014-344 du 17 mars 2014).
ALORS QUE FAUDRAIT-IL REGULER ? QUE FAUDRAIT-IL INTERDIRE ?
2 axes de réflexion :
- Le premier est la distinction entre segmentation et discrimination : il est interdit de proposer des tarifs différents pour les hommes et pour les femmes, interdit de différencier les prix selon votre religion ou votre nationalité. Ces interdits donnent une limite à la segmentation. Pour le reste, différencier les prix selon la durée de séjour, le moment de la réservation ou la typologie du Client (jeune, sénior, famille…) doit être autorisé avec un certain degré de liberté laissé aux opérateurs (il n’y a pas de définition universelle de ce qu’est « un jeune », et les transporteurs ou les parcs d’attractions ont leurs propres critères d’âge).
- Le second est plus subtile : il touche à ces pratiques commerciales jugées abusives ou que l’on peut assimiler à de la tromperie. C’est dans cette deuxième catégorie que l’on retrouve les frais cachés, les mensonges pour créer l’urgence, les frais exorbitants réservés à ceux qui ne possèdent pas la bonne carte bleue.
Comptons sur le bon sens de la puissance publique pour mettre de l’ordre dans ces pratiques et pour distinguer le vrai travail de segmentation opéré par le Revenue Management, et les pratiques parfois farfelues qui nuisent à la confiance du consommateur. Pour que le Revenue Management soit protégé contre des dérives qui lui sont faussement attribuées. Et pour le bien de tous.